La littérature sacrée de l'Inde décrit de nombreux lieux saints, mais VredAvana (prononcer Vri-), dans l'état d'Uttar Pradesh, au sud-est de New Delhi, les surpasse tous, car c'est dans ce village, et la région de Vrajamandala qui l'entoure, que Dieu, la Personne Suprême, Sri Krishna, est apparu et a vécu il y a un peu plus de cinq mille ans avec Ses compagnons éternels descendus avec Lui du monde spirituel.
Pour comprendre ce sujet très élevé, nous avons besoin d'un fondement philosophique solide, fourni en l'occurrence par le texte sacré appelé la Bhagavad-gità. Au dix-huitième chapitre de '‘tet ouvrage, Krishna enseigne: «Absorbe en Moi tes pensées et garde-Moi 'toujours dans ton coeur. Deviens Mon dévot, voue-Moi ton adoration, offre moi hommage, et certes tu viendras à Moi.» (18.65)
Ce verset est le plus important de l'ouvrage, même si d'ordinaire on Considère le suivant comme majeur: «Abandonne tous tes devoirs, qu'ils :liaient accomplis physiquement ou mentalement. Délaisse les devoirs !rescrits selon l'ordre social, et prends-Moi pour unique refuge. Je t'affranchirai des suites de tes fautes. N'aie nulle crainte.» (18.66)
Dans ce verset, qui est la conclusion de la Bhagavad-gità, Krishna nous enjoint de délaisser nos différents devoirs. Nous pouvons craindre cependant que, ce faisant, nous encourions des réactions pécheresses. C'est Pourquoi Krishna nous rassure dans la deuxième partie du verset: «N'aie nulle crainte. Je te pardonnerai toutes tes fautes. J'en prends toute la responsabilité.» Plonger sa famille ou son conjoint dans la lamentation en les quittant, ne pas s'acquitter de ses devoirs envers la société ou ne pas se conformer aux principes du devoir social, sont considérés comme des actes Pécheurs et entraînent des réactions dites karmiques. Aussi Krishna affirmet-Il: «Si tu prends refuge en Moi, Je t'affranchirai de toute réaction pécheresse. J'en fais le serment.» Ce verset nous instruit sur la voie de
l'abandon à Dieu, mais le verset précédent lui est bien supérieur, car il décrit le résultat même de cet abandon.
Si l'on étudie en détail la Bhagavad-gità à la lumière des commentaires rédigés par les maîtres de sagesse, on se rend compte qu'elle contient cinq différents niveaux d'enseignements: des prescriptions générales destinées à tous, des instructions confidentielles, suivies d'enseignements encore plus confidentiels, puis secrets, culminant enfin dans le secret d'entre les secrets. Toute cette connaissance est présentée de façon condensée: «La littérature védique (Vedas, Puranas, Upanisads) est comparable à une vache, dont Krishna serait le pâtre et Arjuna le veau, à qui Krishna donne le lait de la Bhagavad-gità.»
Avant de traire une vache, on laisse téter un peu le veau, ce qui apaise la mère et la prépare à la traite. A qui tri Krishna destinait-Il le lait de la Bhagavad-gità? À ceux dont l'intelligence est pure. Mais qui sont-ils? Les grands érudits et savants de ce monde? Ce n'est pas ce qu'enseigne le grimad-Beigavatam qui emploie le terme sumedhah. Qui est digne de ce nom? Celui qui s'absorbe dans le service de Krishna. En effet, seul celui qui est parvenu à la conclusion que le pur service de dévotion offert à Dieu est l'essence même de l'existence possède une intelligence pure. D'un point de vue spirituel, tous les autres sont considérés dépourvus d'intelligence. Le Bhâgavatam les qualifie même d'ânes. L'âne passe souvent pour stupide. Il est employé aux tâches les plus ingrates et porte des charges considérables. Il adore décocher des ruades et reculer quand on veut qu'il avance. Ceux qui ne servent pas le Seigneur Suprême, Bhagavàn Sri Krishna lui sont comparés, car ces insensés n'emploient pas à bon escient l'opportunité unique que représente cette vie humaine. Seuls ceux qui servent Bhagavàn tri Krishna peuvent être considérés vraiment intelligents.
Nous avons vu que Krishna trait la vache de la Bhagavad-grta après qu'elle ait nourri son veau, et réserve son lait pour ceux dont l'intelligence est pure et qui lui sont chers. Ce lait, ce sont les enseignements de la Gità. Mais que trouve-t-on à la surface du lait? Son essence, la crème, dont on peut extraire le beurre. En faisant chauffer ce beurre, on obtient du ghi (beurre clarifié) dont on ne peut plus rien extraire, car il est l'essence même du lait.
Le sage Vyàsadeva, qui compila toute la littérature védique transmise précédemment de façon orale, en confia à son fils ukadeva la crème et lui demanda de la baratter. Il obtint alors le beurre des neuf premiers chants du Bhiigavatam. Parmi ceux à qui il distribuait ce beurre, certains lui réclamèrent du ghi. Il leur donna alors les trois derniers chants du Bhagavatam, qui sont donc bien supérieurs au reste de l'ouvrage. Ce qu'il révéla dans le Bhiigavatam ne se trouve apparemment ni dans les Vedas, ni dans les Upanisads. Mais en fait, de même que le ghi existe à l'état latent dans le lait, les enseignements de ukadeva Gosvàmi sont l'essence des Vedas, Upanisads, Puranas, Cita et Ramayana. Mais prendre ce lait des écritures, en faire du beurre, puis en extraire du ghi n'est pas à la portée de tous. Les cinq chapitres qui décrivent la rasa-lila, le divertissement le plus confidentiel de Dieu descendu sur terre, constituent le ghi sublime du Értmad-Bhagavatam. ukadeva ne confia ce ghi qu'à ceux qui étaient dignes de le recevoir.
Pour le commun des mortels, Bhagavàn Sri Krishna a donné comme instruction: «En gardant la mesure dans le manger et le dormir, dans le travail comme dans la détente, on peut, par la pratique du yoga, voir s'adoucir les souffrances inhérentes à l'existence matérielle.» (6.17)
Parmi ces enseignements destinés à tous, Krishna explique que nous ne sommes pas le corps physique et conseille, par conséquent, de ne pas s'attacher aux plaisirs qu'il procure, ni de céder à toutes ses exigences. Nous sommes semblables à Arjuna qui, par attachement pour les membres de sa famille et ses amis, se lamentait sur le champ de bataille de Kuruksetra. Le corps de matière doit mourir un jour, que ce soit aujourd'hui, demain ou après-demain. Il ne convient pas de se lamenter sur son sort, car ce corps périssable n'est que l'enveloppe de l'âme, qui, elle, est de nature immortelle:
«La mort est certaine pour qui naît et certaine la renaissance pour qui meurt.» (2.27)
«Le sage ne pleure ni les vivants ni les morts.» (2.11)
«Aucune arme ne peut fendre l'âme, ni le feu la brûler, l'eau la mouiller ou le vent la dessécher.» (2.23)
L'âme est éternelle. Seul le corps qu'elle revêt est sujet à la destruction. Il ne faut donc pas lui accorder plus d'importance qu'il n'en a. Quelle attitude doit-on adopter à son égard? Nous devons en prendre soin car Dieu nous l' a confié à seule fin de Le servir. Il est le temple de l' âme
que nous sommes. Il faut le garder propre et en bon état de fonctionnement au risque de ne pouvoir nous absorber dans le service de Krishna. Il est recommandé de s'occuper de son corps dans cet état d'esprit, avec détachement. Au moment de la mort, Dieu nous demandera des comptes: «Je t' ai accordé cette forme humaine, si rare et précieuse. Quel usage en as-tu fait?» Aussi a-t-Il enseigné:
«Ce qui est la nuit pour le commun des hommes est le jour pour le sage. Et ce qui est, pour eux, le jour est la nuit pour lui.» (2.69)
Les activités du sage, illuminées par la réalisation spirituelle, sont obscures pour les matérialistes. Lui, cependant, demeure toujours conscient que leur poursuite des plaisirs sensoriels n'est qu'un produit des ténèbres de l'ignorance. On doit s'engager dans le service offert à Krishna et faire son devoir en voyant d'un oeil égal le bonheur et le malheur. Ces prescriptions valent pour tous. Krishna donne également des instructions confidentielles: «Remplis ton devoir sans aspirer aux fruits de tes actes.» (2.47)
Il révèle une connaissance générale de l'âme: celle-ci est une substance de nature éternelle. Arjuna Lui demande alors:
«À quoi reconnaît-on celui dont la conscience baigne dans l'Absolu? Par quels mots s'exprime-t-il et de quelle manière agit-il?» (2.54)
«Celui qui a atteint le niveau transcendantal et réalisé l'Absolu (brahma) n'est plus sujet à l'illusion.» (2.72)
Celui qui a atteint le niveau trancendantal réalise l'Absolu en toute chose et sait qu'il participe de cette même nature spirituelle. Il se montre égal envers tous et ne connaît plus ni le désir ni la lamentation.
Krishna nous révèle un savoir encore plus confidentiel: il existe deux sortes d'êtres, le faillible et l'infaillible. Le Seigneur réside dans le coeur de chacun sous une forme de la taille du pouce appelée Paramàtmà, l'Âme Suprême. Il convient de méditer sur Lui et de persévérer sans relâche dans nos efforts pour L'atteindre: «Pour ceux dont le mental s'attache à l'aspect impersonnel de l'Absolu (brahma), le progrès est très pénible Il te sera très difficile d'y absorber ta conscience, car il est dépourvu de forme.» (12.5)
Il est de loin préférable de méditer sur le Paramàtmà qui réside dans le coeur. Le vrai sannyiist et véritable yogi est celui qui recouvre sa relation avec Lui.
«On ne devient pas un sanny-si simplement en renonçant à l' action
et en n' accomplissant plus de sacrifices.» (6.1)
Le neuvième chapitre renferme des enseignements secrets: il traite 4e la pure bhakti, le service d' amour et de dévotion. Et à la fin du dix-huitième chapitre (18.65), le secret d' entre les secrets, le zénith de la bhakti, est révélé:
«Je te révèle la connaissance la plus secrète, car tu M' es très cher.» t Krishna.
Quel est ce secret? Krishna, qui avait décrit jusqu'à présent l' adoration Sa personne sous Son aspect de Vishnou, exécutée en pleine connaissance Sa majesté et de Ses attributs, dévoile dans ce verset quatre activités xceptionnelles: «Man-man-à bhava — pense constamment à Moi; madakto — deviens Mon dévot; mad-yàji — voue-Moi ton adoration; mCirn maskuru — offre-Moi ton hommage.»
Krishna précise: «Si tu ne peux accomplir la première de ces activités, er sur Moi ton mental sans faillir, adopte alors la seconde, observe les atiques du bhakti-yoga. Si tu ne peux t' y soumettre, observe la troisième, onsacre-Moi tes actes, et si tu ne peux même agir ainsi, offre-Moi amplement ton hommage et tout découlera de cette seule activité.»