silence Admin
Nombre de messages : 2255 Bonus : 4299 Date d'inscription : 18/03/2007
| Sujet: les jeunes Israéliens et l'Inde Dim 26 Juin - 13:22 | |
| CHAQUE ANNÉE, APRÈS LEUR SERVICE MILITAIRE, ILS SONT 30 000 À 40 000 À PRENDRE LA TANGENTE DANS LA PÉNINSULE INDIENNE. LEUR PROGRAMME? LÂCHER-PRISE ET RELIGION. Jadis, l'Europe faisait rêver. C'était les années 70, et les jeunes Israéliens, à peine débarrassés de leur service militaire, prenaient un avion pour Rome ou Paris. La décennie suivante, ils vivaient leurs folles années aux États-Unis. Aujourd'hui, l'Inde est devenue leur eldorado. À l'instar de Hampi, un petit village côtier du Karnataka, situé à 300 kilomètres de Goa, qui se donne depuis quelques années des airs de resort pour jeunes Israéliens. On y trouve des panneaux d'accueil écrits en hébreu dès la rivière traversée en barque, du houmous et de la chatchouka (des spécialités méditerranéennes) au menu des restaurants. Et les Indiens se mettent à l'hébreu. Stratégie payante : ici, 80% des voyageurs viennent de Tel-Aviv, Jérusalem, Haïfa... Plus qu'une tendance, "c'est un rite de passage", d'après la sociologue israélienne Daria Maoz. En clair: les Israéliens, tout juste sortis d'un long service militaire (deux ans pour les filles, trois pour les garçons) effectué après le bac, vivent en Inde ce qu'ils ne s'autorisent pas dans leur pays natal. Melle S., 22 ans, appareil photo autour du cou pour ne pas perdre une miette de ce qu'elle voit, vient d'arriver. Le service militaire, très éprouvant en Israël, a été une période difficile pour la jeune femme. "Pendant deux ans, j'ai travaillé dans une base fermée, et je ne rentrais que toutes les deux ou trois semaines chez moi. J'ai été comme dans une bulle. Quand j'ai fini l'armée, je me suis sentie perdue'; explique la brunette. La tenue kaki rangée au placard pour de bon, Melle S. a décidé de partir. Loin et pour longtemps. "Au moins cinq ou six mois, davantage si mes économies me le permettent", ajoute la jeune femme. SOUPAPE DE DÉCOMPRESSION Pourquoi l'Inde? "Ce pays est vraiment bon marché, très beau, et on y rencontre des gens du monde entier", explique-t-elle, installée à la terrasse d'un bar de la rue principale, avec vue sur les plantations de riz vert tendre. À Hampi, elle entend bien prendre son temps, avant de rentrer dans son pays et de commencer sérieusement des études de cinéma pour devenir réalisatrice. Je suis partie avec un ami, mais si j'ai envie d'être seule, j'escalade un rocher et je m'y installe. Je veux explorer ma liberté, être en phase avec celle que je suis réellement", poursuit-elle. Les paysages alentour se prêtent en effet à l'introspection: à perte de vue se déploie un décor lunaire composé de larges formations granitiques rouges aux formes impressionnantes. "On dirait que Dieu s'est amusé avec des Lego alors qu'il s'ennuyait !", s'enflamme M.E., 22 ans, dreadlocks noires, tatouages et piercings. C'est la seconde fois que cette Israélienne grungy parcourt la péninsule indienne. "Avant, je ne connaissais rien au judaeme. Mais l'année dernière, j'ai commencé à lire les textes bibliques ici, dans un centre communautaire. En Israël, mon entourage a du mal à comprendre ce tournant, car ils sont athées. Petit à petit, j'apprends à m'affranchir des choses matérielles et à faire grandir en moi la spiritualité, explique-t-elle, pétard à la main de bon matin. Les textes n'interdisent pas de fumer!" confie-t-elle en riant, le regard déjà ailleurs. Quelques heures plus tard, nous la retrouvons lors de la cérémonie de Hanouka, la fête des Lumières, dans l'un des deux centres juifs orthodoxes du village. Le Chabad House [mouvement hassidique présent partout dans le monde, ndlr] et le Lev Yehudi [institution religieuse qui permet aux Israéliens de se retrouver où que ce soit dans le monde, ndlr], où elle se rend, se font concurrence. À demi-mots, bien sûr. Mais pour les deux, une même idée : accueillir tout le monde, quel que soit le niveau de pratique de la religion... Et, en filigrane, faire du prosélytisme, pour empêcher une assimilation excessive des touristes israéliens. Prières, alimentation kasher, il faut faire en sorte de ne pas oublier son identité juive, même à des milliers de kilomètres de chez soi. C'est la mission que se sont donnée ces centres. (RE)TROUVER SON IDENTITÉ Coussins par terre, balancelles et guitare, l'ambiance est détendue au Lev Yehudi, même si les jeunes sont réunis pour la prière. On est très loin de l'univers dépeint par Amos Gitaï dans Kadosh! Oren, le rabbin qui habite ici avec sa femme Yaél et leurs quatre filles, est en mission pour six mois à Hampi, mais la famille vit en Inde depuis sept ans. "Les jeunes doivent se sentir comme chez eux dans le centre", confie-t-il, en tenue légère et pieds nus. D'ailleurs, tout le monde participe aux tâches quotidiennes, cuisine, ravitaillement, activités. "Le plus important, c'est de leur donner la possibilité de faire leur introspection, de découvrir leur identité profonde et leur propre religion", reprend l'homme, affable et souriant. Fichu sur la tête, Chen, globe-trotteuse de 24 ans récemment mariée, fréquente le centre. Elle explique : "En Israel, paradoxalement, on ne se sent pas libres de vivre notre judéité. C'est mal perçu. Je connais des gens qui ont participé à un shabbat pour la premièrefois de leur vie en Inde !" Partir au pays de la vache sacrée semble être propice aux grandes décisions: études, avenir, engagement, la jeunesse israélienne aime prendre de la distance par rapport à sa vie, à l'ombre des temples hindous et des fleurs de jasmin. "Deux couples d'amis ont même décidé de se marier après un voyage ici", poursuit Chen. Au Chabad House, le discours du rabbin trentenaire est clair, quand, autour de la table du vendredi soir dressée pour le shabbat, il évoque la présence des Israéliens en Inde: "Depuis la chute du jardin d'Éden, tous les juifs mènent une quête spirituelle. Ici, ils cherchent quelque chose, reconnaît-il. Mais cela n'a rien à voir avec d'éventuels traumatismes liés à l'année", affirme le religieux. Pourtant, dur de ne pas faire le lien: la plupart des globe-trotteurs présents ce soir sont partis immédiatement après leur service militaire Et entre ces filles en minishort ultra maquillées et ces garçons, phylactère au bras, quel autre point commun que d'avoir servi leur pays et de lui avoir consacré, peut-être, leurs plus belles années? "Moi j'ai senti le besoin de repartir de zéro, de remettre en question mes certitudes", affirme N., 22 ans, future créatrice de mode, qui a entrepris l'aventure seule. "Je découvre des tissus, des couleurs. Ces connaissances me seront utiles par la suite", se réjouit la rouquine alors qu'elle boit un café à l'israélienne sur les rochers avec des amis rencontrés à Hampi. Si Sharar a, elle, une deadline pour son retour -le mariage de sa cousine dans quelques mois -, beaucoup se perdent sur les chemins de la spiritualité. Parfois définitivement. LA PEUR DE L'EXODE Depuis mars 2008, l'État hébreu a décidé de compliquer les démarches pour renouveler son titre de séjour en Inde. Histoire de limiter la fuite de ses vingtenaires. Ou, du moins, d'accélérer leur retour au pays. "On se retrouve ce soir, à la Shanti Guest House ?", lance la jeune femme à des amis qui passent. Quelques heures plus tard, le soleil couché, les religieux hassidiques, portant barbe et chapeau, débarquent dans le bar où Sharar et sa clique se sont installés pour boire des verres. Au milieu du brouhaha, personne ne semble étonné de les voir là. La joyeuse ambiance se poursuivra jusque tard dans la nuit, sur de la musique electro. Pour certains, il est temps de faire les prières. Pour d'autres, de commander une autre bière. Des jeunes qui fument un pétard au côté de religieux du même âge, au milieu de la jungle, cette image m'a marquée! Cette génération d'Israéliens ressemble à son pays: elle est plurielle avec, pour tous, ce besoin de prendre l'air ailleurs, loin. Avant d'entrer dans leur vie d'adulte, ils vivent une parenthèse enchantée, comme ici, en Inde. (Source: Par Delphine Bauer/Youpress.) Jozef, la première combattante arabe de l’armée israélienne La plupart sont des routards israéliens : après leur service militaire, deux tiers des jeunes partent en Inde. Ce qui n'a été qu'une mode est progressivement devenu un phénomène de masse. Chaque année, sur les 43 000 touristes israéliens qui débarquent, ils sont plus de 30 000 à descendre des montagnes de Manali, au Nord, jusqu'aux plages de Goa, au Sud de Bombay.
"Après trois ans en uniforme, on a besoin de se vider la tête", confie Rachel, 23 ans, qui en est à son sixième mois dans le pays. "Et l'Inde c'est l'endroit parfait pour ça, c'est la méditation, la spiritualité". Une méditation aux parfums illicites : "Ici tout le monde fume et beaucoup se piquent. Ca t'ouvre tellement l'esprit. Et puis tu peux oublier..."
Avec la drogue viennent aussi les dérapages. Les douze maisons loubavitchs qui jalonnent la "route de l'houmous", ainsi qu'on nomme le trajet habituel des jeunes Israéliens en Inde, aident les routards en perdition.
"En ce moment, il y a une fille à l'hôpital et on visite aussi des jeunes qui sont en prison. Une affaire de drogue", explique Sarah Kupcik. Elle et son mari se sont engagés dans une mission à vie. Le défi est rude : "Tous les matins, je dois traire la vache… Je ne peux quasiment rien acheter à part les légumes", soupire la jeune femme.
Après les attentats de Bombay où une maison loubavitch a été prise pour cible, les Kupcik n'ont pas envisagé une seconde de partir. "Notre place est ici. Et puis vous savez ma famille habite à la frontière libanaise, alors le terrorisme…" |
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