Tout savoir sur les créatures cachées dans les forêts, les bonnes fées et les gnomes capricieux ? C’est possible. Il suffit de suivre les cours de l’unique établissement spécialisé. En Islande et nulle part ailleurs. Reportage dans The Reykjavík Grapevine, Anna Andersen“Les gens viennent me voir avec leurs histoires en jurant qu’ils ne sont ni sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, ni menteurs pathologiques”, rapporte Magnus Skarphéðinsson. Directeur de l’Ecole des elfes depuis vingt ans, Magnus a rencontré plus de 700 personnes qui ont aperçu des elfes et des représentants de peuples “cachés” ou “invisibles” (uldufolk) et autres esprits de la nature.
“Je n’ai jamais prévu de créer une école des elfes, se souvient Magnus. Mais on ne cessait de m’interroger sur ma façon de travailler, alors j’ai fini par répondre à tout le monde de venir les vendredis. C’est comme ça que tout a commencé.” A ce jour, 8 000 personnes ont terminé leurs études dans l’établissement et ont décroché le diplôme en “études et recherches sur les elfes et autres peuples invisibles”. C’est peut-être l’un des diplômes les plus faciles et les plus agréables à obtenir qui soient.
Magnus nous invite dans sa classe et nous nous installons à une table. Tout autour de nous, les étagères débordent de vieux livres et de babioles. Pas moins de cinq lampes différentes trônent sur le rebord de la fenêtre, avec des objets de toutes sortes. “Bienvenue à l’Ecole des elfes”, lance Magnus. A sa connaissance, nous nous trouvons dans une école unique en son genre dans le monde.
Il commence son cours en se présentant comme un scientifique neutre qui recueille les témoignages de personnes ayant rencontré des “alfar”, un terme qui se traduit par “elfes” mais regroupe elfes, peuples invisibles, fées de lumière, nains, esprits de la montagne et gnomes.
Magnus nous remet une brochure contenant des dessins représentant ces esprits de la nature, dont l’aspect, assure-t-il, a été confirmé par d’innombrables témoignages. Au total, il existe treize types d’elfes, deux de nains et trois de peuples cachés. Si les elfes mesurent entre 8 et 80 centimètres de haut, les peuples invisibles, eux, seraient exactement semblables aux êtres humains, sauf qu’ils portent des habits d’antan.
“Nous ignorons encore beaucoup de choses des elfes et des peuples invisibles, reconnaît Magnus. Et ce que nous savons, nous l’avons appris de gens qui entretiennent avec eux des liens d’amitié vieux de dizaines d’années et qui ont été invités chez eux.” Après trente années passées à compiler ces expériences, il affirme n’avoir jamais rencontré personne qui en sache plus que lui sur ce sujet.
Environ 75 % des rencontres qu’il a consignées concernent les peuples cachés, appartenant à l’un des trois types – Moderne, Bleu et Ancien. Mais, selon Magnus, personne n’a jamais parlé à des représentants des peuples Ancien ou Bleu. “Ils s’enfuient toujours”,
explique-t-il, puis, après avoir marqué une petite pause, il poursuit : “Ils détalent en criant : ‘Vous, espèces de braqueurs de banques !’ ” Magnus se tourne ensuite vers les Américains présents dans la classe et lance : “Vous, espèces d’impérialistes !” Sur ce, nous éclatons de rire, en pensant qu’il plaisante. Le fait est qu’il est d’humeur badine, ce soir.
Magnus – à ne pas confondre avec son frère, le ministre [islandais] des Affaires étrangères Össur Skarphéðinsson – est un excellent conteur. Nous passons la soirée à écouter le récit de ses rencontres l’une après l’autre. Soudain, sans crier gare, il disparaît et nous nous demandons s’il n’est pas simplement parti. Mais il revient avec une assiette pleine de gaufres tout droit sorties du four, avec de la confiture et de la crème fouettée. Il se remet à rapporter une autre série d’événements inexplicables – qui ne le sont que si vous ne croyez pas en l’existence des peuples cachés.
Au moment de quitter l’Ecole des elfes, diplôme en main, je ne sais pas trop quoi penser de tout cela. Je me souviens d’un documentaire réalisé en 2002, Enquête sur le monde invisible. Dans le film, l’ancienne présidente islandaise, Vigdís Finnbogadóttir, dit fort diplomatiquement :
“Je n’ai jamais vu d’elfe ni de peuple invisible. Je n’ai jamais rencontré de fantôme, mais j’ai souvent entendu parler d’eux. En France et en Espagne, on ne croit plus en ce genre de choses, parce que ces pays sont catholiques. Le catholicisme y est tellement puissant qu’il ne laisse aucune place à d’autres croyances. Au Moyen Age, les Islandais ont adapté le catholicisme à leur paganisme, et ils ont continué à raconter des histoires de peuples cachés, d’elfes et de fantômes. L’existence de ces créatures, des extraterrestres et d’une vie après la mort n’a jamais été prouvée. Mais c’est la même chose avec Dieu : personne n’a prouvé son existence.”