Quel rôle précis y a-t-il joué ? Comment le chiffre 13, toujours inexpliqué, en est-il devenu l'axe essentiel ?
Quand on l'aborde pour la première fois, le système des calendriers mayas semble très rébarbatif. Mais ces instruments à compter le temps t-il ? En divisant 260 par 20, le nombre des jours de ce calendrier magique. C'est simple, beaucoup trop simple même ; d'autant que les Mayas qui utilisaient les « mariages » sous forme de multiplications, qui employaient également l'addition et la soustraction, ne divisaient jamais.
Heureux de sa déduction, le savant ajoute : « Fécond et ingénieux fut l'esprit qui divisa pour la première fois ces deux chiffres et qui utilisa le résultat, 13, comme la norme d'une séquence numérique, réservant 20 à la série des jours ». Je suis un très grand admirateur des travaux de Schultze Jena, mais sur ce point précis, je crois rêver. Il a littéralement escamoté le fameux 13 mystérieux des Mayas. Devant l'échec de ses prédécesseurs, il a pris le problème à l'envers, à partir du résultat, pour donner à ses explications une tournure arithmétique moderne, mais trop simpliste en réalité. Il est évident que ce chiffre capital n'est pas le produit d'une division faite par inadvertance.
Malgré cette démonstration qui se veut ingénieuse, 13 restait l'inconnue par excellence. C'est la base de tout l'édifice maya, nous l'avons dit, et toutes les analyses, tous les calculs se rapportant à cette civilisation retombent sur lui. Le départ de la chronologie porte ce chiffre : Fin du Baktun 13 ! Décidément il devenait pour moi une véritable obsession.
Inlassablement, j'ai entrepris de chercher dans toutes les directions. Comme il s'agissait là d'un chiffre essentiel de tout un système calendaire, la lune avait peut-être son mot à dire ; il ne fallait donc pas négliger cette éventualité. Schultze Jena n'avait pas choisi son chiffre 9 au hasard...
Avant tout je suis retourné aux sources de nos propres superstitions ; celles qui ont fait de 13 un chiffre maléfique. Il est né de l'Histoire sainte. Le jour de la Cène, treize personnages étaient réunis —le Christ et douze apôtres. Parmi eux se cachait Judas, le traître qui vendit Jésus ce jour-là. C'était lui, le treizième, l'oiseau de mauvais augure, celui qui change la face du monde. Cet événement s'est passé au matin de la crucifixion, un vendredi, ce qui explique qu'il ait gardé jusqu'à nos jours ce côté magique, bénéfique ou maléfique selon les cas. Le fait que le Christ ait été entouré de douze apôtres n'est certainement pas fortuit.
Je suis devenu attentif à la vieille coutume de nos marchés de campagne, où les oeufs se vendent par treize à la douzaine. De fil en aiguille, je suis remonté aux sources pour aboutir aux Chaldéens. J'y ai retrouvé une explication initiale et calendaire du 13. Les Chaldéens avaient remarqué qu'une année solaire comptait douze lunaisons ; ils divisèrent leur année solaire en douze mois ; d'où l'origine de leur système duodécimal. Comme une année solaire compte en réalité plus de douze lunes, le retard s'accentuait tous les ans. Les Chaldéens décidèrent alors d'ajouter tous les six ans un mois supplémentaire à leur année solaire. Il y avait donc, régulièrement chaque six ans, une année de treize mois. Cette intervention d'un élément de plus dans le cours du temps ne se faisait pas sans d'extrêmes précautions d'ordre magique et religieux, car elle représentait un grand danger.
Fort de cette nouvelle donnée qui me semblait fondamentale, j'ai repris le problème du calendrier maya avec son 13 inexpliqué, en la prenant comme hypothèse de travail. Ce fut un échec complet.
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Le calcul des lunaisons chez les Mayas n'a jamais donné naissance à un calendrier lunaire tel qu'il a été conçu par les Chaldéens. J'avais tenté de résoudre une affaire américaine avec l'optique d'un Occidental. Sous une autre forme, j'avais fait la même erreur que mon prédécesseur illustre. Je décidai alors de reprendre un à un tous les faits mayas connus dans tous les domaines, de décomposer les rouages des calendriers pour comprendre les mécanismes mentaux de ceux qui les manipulaient. Il fallait tenter de penser comme un Maya !
Avec l'esprit critique le plus sévère j'ai également interrogé les autres civilisations américaines où intervenait le temps magique du calendrier : celles des Toltèques, des Zapotèques, des Olmèques, des Mixtèques, des Aztèques ; je les ai passées toutes au crible.
Je me suis rendu compte que le calendrier magique a survécu à tous les cataclysmes qui se sont abattus sur les sociétés indiennes. Il subsiste non seulement au Guatemala et dans le Chiapas, mais dans la Veracruz. Seul le caractère des vingt jours varie selon les peuples qui l'emploient. Partout son mécanisme et son usage sont identiques ; partout cet instrument-clef règle la vie et le temps des individus.
L'observation directe me confirma combien le calendrier magique, inventé par les Mayas, est encore populaire : chaque jour depuis des millénaires, les sorciers, devins et hommes-médecines (chuchkahau au Guatemala, x'men au Yucatan) l'utilisent à des fins divinatoires. C'est l'instrument qui leur permet d'indiquer aux malades le moyen d'obtenir une rapide guérison de leurs maux. Les Indiens des hauts plateaux guatémaliens lui ont donné le nom de tzolkin ; toute la société en dépend.
Les enfants reçoivent le nom du jour du calendrier magique qui correspond à la date de leur naissance. Les vingt jours du tzolkin portent des noms d'animaux ou d'éléments divers, identiques à ceux des chants lacandons, et ils ont tous un caractère bien déterminé et connu de tout le monde. Ainsi, chez les Mayas-Quichés, le jour « chien » symbolise le péché et particulièrement l'impureté sexuelle. Un enfant né ce jour portera le nom « chien » et se verra automatiquement attribuer les caractères de cette journée magique. Si, en grandissant, il se révèle chaste et pudique, son entourage aura toujours tendance, en le nommant, à le considérer, même inconsciemment, à travers les caractéristiques de son nom. Insensiblement, il sera ainsi orienté sur un chemin qui ne correspond pas à sa nature, mais à celle que la société attend de lui à cause de son nom magique.
Le jour « oiseau » est symbole de chance dans les affaires. L'enfant né sous ce signe sera tout au long de sa vie, encouragé par sa famille et par la société, à devenir un commerçant. Profession où il réussira d'ailleurs fort bien, puisque en apprenant son nom, ses interlocuteurs sauront qu'il est né pour cela, qu'il a des dispositions pour cette activité, et ils feront volontiers des affaires avec lui.
Connaître tous les caractères des jours du calendrier magique c'est posséder un répertoire psychologique parfait de la société dans laquelle il fonctionne. De toute façon il est intervenu dans la vie quotidienne des grands Mayas.