Les manifestations à effets intelligents
L'esprit étranger n'agit pas ici sur la main du médium, par l'entremise du cerveau, pour le faire écrire. L'esprit étranger, par sa volonté, imprime au cordon fluidique des mouvements ondulatoires qui se répercutent dans le périsprit du médium ; là ces vibrations arrivant au cerveau périsprital, font vibrer les parties analogues à celles par lesquelles elles ont été émises chez l'esprit, de sorte que ces vibrations semblables éveillent des idées de même nature. C'est ce qui se passe d'ailleurs dans le cas de la parole. Lorsque l'on prononce le mot homme, les vibrations sonores arrivant au cerveau le font vibrer d'une certaine manière qui évoque dans l'esprit de celui qui écoute l'idée représentée par le mot homme. Les vibrations périspritales agissent de même, mais sans passer, dans le cas qui nous occupe, par les organes matériels de l'audition. Dans cette circonstance le rôle de l'âme incarnée n'est pas passif ; c'est elle qui reçoit la pensée de l'esprit et qui la transmet. Le médium, dans ce genre de communication, a donc conscience de ce qu'il écrit, quoique ce ne soit nullement sa pensée.
S'il en est ainsi, dira-t-on, rien ne prouve que ce soit plutôt un esprit étranger qui écrit que celui du médium. La distinction est quelquefois très difficile à faire, mais on peut reconnaître la pensée suggérée en ce qu'elle n'est jamais préconçue ; elle se forme, pour ainsi dire, à mesure que l'on écrit, et souvent elle est contraire à l'idée préalable qu'on s'était faite ; elle peut même être, en ce cas, en dehors des connaissances du médium.
Dans l'exercice de la médiumnité intuitive, à l'état de veille, beaucoup se découragent devant l'impossibilité de distinguer les idées qui nous sont propres de celles qui nous sont suggérées. Il est cependant facile, croyons-nous, de reconnaître les idées de provenance étrangère. Elles jaillissent spontanément, à l'improviste, comme des lueurs subites émanant d'un foyer inconnu ; tandis que nos idées personnelles, celles qui proviennent de notre fonds, sont toujours à notre disposition et occupent, d'une façon permanente, notre intellect. Non seulement les idées inspirées surgissent comme par enchantement, mais elles se suivent, s'enchaînent d'elles-mêmes et s'expriment avec rapidité, parfois d'une manière fébrile.
Allan Kardec a parfaitement distingué deux variétés de médiumnité, à savoir la médiumnité mécanique et la médiumnité intuitive : il dit que le rôle du médium mécanique est celui d'une machine, tandis que le médium intuitif agit comme le ferait un truchement ou interprète. Celui-ci, en effet, pour transmettre la pensée des interlocuteurs, doit la comprendre, se l'approprier en quelque sorte, pour la traduire fidèlement ; et pourtant cette pensée n'est pas la sienne, elle ne fait que traverser son cerveau ; tel est exactement ce qui se passe chez le médium intuitif.
Remarquons que là encore le développement intellectuel de l'intermédiaire est indispensable pour qu'il puisse exprimer correctement les idées qu'il reçoit. Comme c'est lui qui écrit, qui rédige, il peut donner aux pensées suggérées une forme plus ou moins littéraire, suivant ses études ou ses capacités. C'est donc surtout au point de vue moral, et par des preuves qu'elles fournissent, qu'il faut juger les communications et ne pas trop s'attacher au style qui peut parfaitement être défiguré par l'interprète.
Ils communiquent avec les Esprits incarnés par le seul rayonnement de leur pensée.
C'est pourquoi, quelle que soit la diversité des esprits qui se communiquent à un médium, les dictées obtenues par lui, tout en procédant d'esprits divers, portent un cachet de forme et de couleur personnel à ce médium. Oui, bien que la pensée lui soit tout à fait étrangère, bien que le sujet sorte du cadre dans lequel il se meut habituellement lui-même, bien que ce que nous voulons dire ne provienne en aucune façon de lui, il n'en influence pas moins la forme, par les qualités, les propriétés qui sont adéquates à son individu.
On peut lire dans le Livre des médiums la communication suivante : « C'est absolument comme lorsque vous regardez différents points de vue avec des lunettes nuancées, vertes, blanches ou bleues ; bien que les points de vue ou objets soient tout à fait opposés et tout à fait indépendants les uns des autres, ils n'en offrent pas moins toujours une teinte qui provient de la couleur des lunettes. Ou mieux, comparons les médiums à ces bocaux pleins de liquides colorés et transparents ; eh bien, nous sommes comme des lumières qui éclairent certains points de vue moraux, philosophiques et scientifiques, à travers des médiums bleus, verts ou rouges, de telle sorte que nos rayons lumineux, obligés de passer à travers des verres plus ou moins bien taillés, plus ou moins transparents, c'est-à-dire par des médiums plus ou moins intelligents, n'arrivent sur les objets que nous voulons éclairer qu'en empruntant la teinte, ou mieux la forme propre et particulière à ces médiums. »
La pensée de l'Esprit agissant est une en son principe d'émission, mais elle varie dans ses manifestations, suivant l'état plus ou moins parfait des instruments qu'elle emploie. Chaque médium marque de l'empreinte de sa personnalité l'inspiration qui lui vient de plus haut. Plus l'intellect du sujet est cultivé et spiritualisé, plus les instincts matériels sont comprimés en lui, et plus la pensée supérieure sera transmise avec pureté et fidélité.
La large nappe d'un fleuve ne peut s'écouler à travers un étroit canal ; de même l'Esprit inspirateur ne réussira à transmettre par l'organisme du médium que celles de ses conceptions qui y trouveront une issue préparée. Par un grand effort mental, sous l'excitation d'une force extérieure, le médium pourra exprimer des conceptions au-dessus de son propre savoir ; mais, dans l'expression des idées suggérées, on retrouvera ses termes favoris, ses tournures de phrases habituelles, quoique le stimulant qu'il subit prête, pour un instant, plus d'ampleur et d'élévation à son langage.
Presque tous les auteurs, écrivains, orateurs, poètes, sont médiums à certains moments : ils ont l'intuition d'une assistance occulte qui les inspire et participe à leurs travaux. Ils l'avouent eux-mêmes aux heures d'épanchement.
Thomas Paine écrivait : « Il n'est personne qui, s'étant occupé des progrès de l'esprit humain, n'ait fait cette observation qu'il y a deux classes bien distinctes de ce qu'on nomme Idées ou Pensées : celles qui sont produites en nous-mêmes par la réflexion et celles qui se précipitent d'elles-mêmes dans notre esprit. Je me suis fait une règle de toujours accueillir avec politesse ces visiteurs inattendus et de rechercher avec tout le soin dont j'étais capable s'ils méritaient mon attention. Je déclare que c'est à ces hôtes étrangers que je dois toutes les connaissances que je possède. »
Emerson parle en ces termes du phénomène de l'inspiration : « Les pensées ne me viennent pas successivement, comme dans un problème de mathématiques, mais elles pénètrent d'elles-mêmes dans mon intellect, semblables à un éclair qui brille dans les ténèbres de la nuit. La vérité m'arrive, non par le raisonnement, mais par intuition. »
On trouve dans Goethe (Lettres à un enfant) les détails suivants sur Beethoven : « Beethoven, parlant de la source d'où lui venait la conception de ses chefs-d'œuvre, disait à Bettina : « Je me sens forcé de laisser déborder de tous côtés les flots d'harmonie provenant du foyer de l'inspiration. J'essaie de les suivre, je les reprends passionnément ; de nouveau, ils m'échappent et disparaissent parmi la foule. de distractions qui m'entourent. Bientôt je ressaisis l'inspiration avec ardeur ; ravi, j'en multiplie toutes les modulations, et, au dernier moment, je triomphe de la première pensée musicale ; voyez à présent, c'est une symphonie...
« Je dois vivre seul avec moi-même. Je sais bien que Dieu et les anges sont plus près de moi, dans mon art, que les autres. Je communie avec eux et sans crainte. La musique est la seule entrée spirituelle dans les sphères supérieures de l'intelligence. »
Mozart, de son, côté, dans une de ses lettres à un ami intime, nous initie aux mystères de l'inspiration musicale : « Vous dites que vous voudriez savoir quelle est ma manière de composer et quelle méthode je suis. Je ne puis vraiment pas vous en dire plus que ce qui suit, car moi-même je n'en sais rien et ne puis me l'expliquer.
« Quand je suis dans de bonnes dispositions et tout à fait seul pendant ma promenade, les pensées musicales me viennent en abondance. Je ne sais pas d'où viennent ces pensées, ni comment elles m'arrivent ; ma volonté n'y est pour rien... »
Au déclin de sa vie, lorsque l'ombre de la mort s'étendait déjà sur lui, dans un moment de calme, de sérénité parfaite, il appela un de ses amis qui se trouvait dans sa chambre : « écoutez », lui dit-il, « J'entends de la musique. » Son ami lui répondit : « Je n'entends rien. » Mais Mozart, ravi, continue à percevoir les harmonies célestes. Et son pâle visage s'illumine. Puis il cite le témoignage de saint Jean : « et j'entendis de la musique au ciel » ; C'est alors qu'il composa son Requiem.
Pour en savoir plus :Le Spiritisme devant la science de Gabriel Delanne (5ème partie, ch. II, Les médiums écrivains - médiumnité intuitive)
Dans l’Invisible de Léon Denis (2ème partie, ch. XIII, Clairvoyance. Pressentiments.)
Le Problème de l’Etre et de la Destinée de Léon Denis (ch. XXI, la conscience, le sens intime, à partir de la page 447)
Conclusion Nous avons constaté qu’il existe deux grands types de manifestations : Les premières, à effets physiques, ont pour but d’attirer l’attention sur le monde spirite ; Les Esprits supérieurs ne s’occupent pas de ces manifestations, qui sont exécutés par des Esprits inférieurs, ayant plus d’affinité avec la matière. Les secondes, à effets intelligents, sont utilisées par les habitants du monde invisible pour nous transmettre leurs avertissements, leurs instructions, et, pour faciliter notre évolution.