L'homme, la cinquantaine grisonnante, pousse la porte du bar tabac Le Havanitos. Alain Vandersype, le propriétaire de l'établissement, le connaît bien : c'est plus qu'un client régulier qui vient chaque mercredi composter sa grille de Loto. D'ailleurs existe-t-il une personne, sur les 4 200 âmes qui vivent ici, à Audruicq dans le Pas-de-Calais, qui ignore qui il est? Et qui ne connaisse pas son histoire ? Cet homme, dont nous ne dirons pas le nom car il désire rester anonyme, a vu son destin basculer en 1978. Il approchait alors de la trentaine. Comme aujourd'hui, il est venu valider au Havanitos une grille de Loto qu'il avait remplie chez lui. Quelques jours plus tard, la nouvelle se répandait comme une traînée de poudre dans les rues du village : l'homme venait de remporter le gros lot : 900 000 francs à l'époque. Certains à Audruicq se souviennent même de la formule "magique" qui a transformé le simple concitoyen en millionnaire : 4, 9, 11, 20, 32 et 49.

On raconte qu'au moment de• se faire remettre son chèque, au siège de la Française des Jeux, l'heureux gagnant aurait posé la question suivante :
— Est-ce qu'il est possible de gagner deux fois au Loto ? On lui aurait répondu que le règlement le permettait, mais que ça n'était jamais arrivé. On raconte aussi que des membres de la famille du gagnant on cessé de jouer au Loto, considérant que la chance, tout comme la foudre, ne frappe jamais deux fois au même endroit.

L'homme est resté modeste
Ce qui est sûr, c'est que ceux qui pensaient que le veinard allait s'acheter une villa de milliardaire et partir loin d'Audruicq se sont trompés. Après avoir fait faire des travaux dans sa maison, l'homme est resté, modeste et fidèle... Et semaine après semaine après semaine, chaque mercredi, il a repris le chemin du Havanitos pour jouer sa grille hebdomadaire. Toujours les mêmes numéros, toujours validés au, même endroit. Par superstition? Selon les mathématiciens, quand vous jouez au Loto, vous avez environ une chance sur 14 millions de trouver les six numéros. Pour les découvrir une seconde fois, il y a une chance sur 190000 milliards de milliards !

Fin juillet 2005. Les boules multicolores tournent dans leur sphère... Quelques instants plus tard, la combinaison gagnante s'affiche sur des millions de postes de télévision : 4, 9, 11, 20, 32 et 49. A Audruicq, c'est une nouvelle explosion de joie et d'incrédulité.
Tout ce qu'a déclaré le gagnant à un journaliste de La Voix du Nord, qui a assisté à la remise du chèque de 1,5 million d'euros le 3 août dernier, c'est qu'il souhaite d'abord s'acheter une nouvelle cuisine équipée – une folie de 30000 euros ! Puis il compte partager le reste de la somme en sept parts, pour le distribuer à sa famille.

Un billet vendu toutes les deux secondes
A Audruicq, depuis, Le Havanitos ne désemplit plus. Les joueurs affluent de partout ! Du matin de 7 h15 au soir 19 h 30, Alain Vandersype valide jusqu'à 1 500 bulletins par jour, c'est-à-dire un billet toutes les deux secondes !
Justement, après le double gain fabuleux du Havanitos, on peut se poser la question suivante : "Existe-t-il des lieux propices aux gains?" En tout cas, si l'on regarde les statistiques de la Française des Jeux, on remarque que toutes les régions de France ne sont pas égales devant la chance. On gagne plus dans le Nord-Pas-de-Calais (comme à Audruicq!), en Ile-de-France, ou encore dans la région Centre, notamment dans le départe ment du Loiret, qu'ailleurs.

Il existe également, à la frontière franco-belge, à Taintignies, un café béni par la fortune. Pas moins d'une dizaine de joueurs ont déjà décroché le gros lot après avoir validé leur bulletin dans ce bar tenu par Philippe Menez. Ce qui se passe ici défie toute logique : deux personnes habitant la même rue, à une dizaine de mètres l'une de l'autre, ont par exemple empoché, à elles deux, plus de 8 millions de francs. (Une dizaine de clients du bar de Philippe Menez sont aujourd'hui millionnaires).