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 Le jeûne, en vogue mais controversé, est-il si bon pour la santé ?

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MessageSujet: Le jeûne, en vogue mais controversé, est-il si bon pour la santé ?   Le jeûne, en vogue mais controversé, est-il si bon pour la santé ? Icon_minitimeVen 16 Aoû - 12:03

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Le jeûne, en vogue mais controversé, est-il si bon pour la santé ?

Par Angela Bolis


La plupart des séjours de la fédération "Jeûne et rando" proposent de ne boire que de l'eau et des tisanes, sans se nourrir, pendant une ou deux semaines.
Les nombreux séjours "jeûne et randonnée", en vogue depuis quelques années en France, le prouvent : il est possible de ne rien manger pendant une semaine sans dépérir, tout en marchant plusieurs heures par jour.

Non sans quelques désagréments, certes : nausées, maux de tête et de ventre, crampes, essoufflements, palpitations, et... faim accompagnent ce petit accomplissement, avant de s'évanouir au bout de deux à trois jours, en général. Ces symptômes sont compensés par un sentiment de légèreté et de clarté d'esprit qui monte, lui, au fil de cette parenthèse qu'on s'accorde, hors du cours ordinaire de sa vie, de ses besoins corporels, du rythme quotidien des courses et des repas.


Evoluant dans un nuage de mots aux vagues promesses – "bien-être", "vitalité", "détox", "régénération" –, les stages de la fédération Jeûne et rando séduisent chaque année quelque 5 000 stagiaires dans une trentaine d'organismes, d'après Gilbert Bölling. Cet ancien professeur de gym est le premier à avoir importé le concept en France, en 1990. Pour lui, le jeûne représente "un moment pour libérer son corps des tâches digestives, pour qu'il puise dans ses réserves et se nettoie".

Ce type de jeûne, qu'on pourrait qualifier de diététique, vient rejoindre les mille et une manières de ne rien manger, éprouvées par diverses sociétés depuis la nuit des temps : jeûne religieux (pratiqué dans toutes les grandes traditions, du ramadan au carême) ; jeûne mystique (avec des cas extrêmes comme la chrétienne Marthe Robin) ; jeûne politique (les multiples grèves de la faim de Gandhi par exemple) ; sans compter les jeûnes imposés par les aléas des disponibilités alimentaires, ou le jeûne nocturne, chaque matin cassé par le petit "dé-jeûner".  


Le jeûne thérapeutique, aussi, connaît un certain succès dans certains pays – mais moins en France. La thèse de médecine publiée en 2012 par Jérôme Lemar (PDF) évoque son usage dans le cadre de psychothérapies dans des hôpitaux du Japon. En Russie, l'institut de psychiatrie de Moscou y a recours dans la prise en charge de diverses maladies, de la dépression aux troubles obsessionnels compulsifs, en passant par les troubles digestifs ou cardiovasculaires. En Allemagne, où il est pratiqué dans quelques cliniques, il peut même faire l'objet d'un remboursement par des assurances.

Si les jeûnes diététiques proposés en France revendiquent moins directement une portée médicale, ils s'inspirent néanmoins de la méthode Büchinger, pratiquée dans une clinique ouverte en 1953 en Allemagne. Son fondateur, qui affirme s'être guéri d'un rhumatisme articulaire aigu grâce au jeûne, a mis au point une recette à base de 250 kcal par jour de jus de fruits et de bouillons de légumes, assortie de divers ingrédients : repos et activité physique, massages et bains, médecine naturelle, etc. La méthode est censée convenir à une liste pléthorique d'indications, en particulier les maladies des articulations, mais aussi les cas d'inflammation chronique et d'allergie, les maladies cardio-vasculaires, les troubles du foie et du tube digestif, la fatigue...


Que dit la médecine conventionnelle occidentale devant cette kyrielle de promesses ? La question a pris un nouveau tour en février 2012, lorsqu'une étude scientifique américaine du Pr Valer Longo a montré que la combinaison de cycles courts de jeûne avec une chimiothérapie pouvait nettement favoriser la guérison du cancer. Dans le cas de cancers peu étendus, 40 % des souris atteintes ont guéri grâce à cette méthode, alors qu'aucune ne survécut à la chimiothérapie seule. Même sans chimiothérapie, elle retardait le développement d'un cancer du sein, d'un mélanome et d'une tumeur du cerveau. Sa faiblesse pourtant : les résultats, produits sur des souris de laboratoire, ne peuvent encore être extrapolés à l'homme.

C'est aussi la faiblesse des preuves qui est pointée dans la thèse de Jérôme Lemar, qui passe au crible la bibliographie médicale sur le jeûne. Et conclut que "la majeure partie [des bénéfices supposés] du 'jeûne thérapeutique' relèvent de la croyance non scientifiquement prouvée". Il recense pourtant de nombreuses études montrant son effet sur diverses pathologies : la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome de l'intestin irritable, le syndrome douloureux chronique, la qualité du sommeil, la détoxification de certains pesticides et dioxines, le cancer, et même l'amélioration de l'humeur. Mais de nombreux biais et des protocoles scientifiques peu conformes interdisent, selon le docteur, de prendre ces résultats trop au sérieux.


En France, globalement, le corps médical ne croit guère aux vertus du jeûne. "C'est une hérésie", assène le Dr Laurence Plumey, médecin nutritionniste. "Il faut privilégier le bon sens alimentaire, la constance, l'équilibre. Le corps humain est conçu pour recevoir de la nourriture toutes les quatre heures. Sinon, on est dans une logique de survie, on crée du stress pour l'organisme."

Daniel Tomé, nutritionniste à l'INRA, s'oppose lui aussi à un jeûne radical. Il y a trop de risques, estime-t-il, à renoncer aux apports journaliers en nutriments fondamentaux, comme les protéines, les vitamines, les minéraux, les acides gras essentiels... Outre les carences, le jeûne a aussi la fâcheuse tendance à provoquer l'"effet yo-yo", à savoir l'alternance de pénurie et d'excès, de restriction et de compensation alimentaire. Et c'est alors pire : car "quand on mobilise un tissu adipeux, il suractive tous les mécanismes de réserves pour revenir à son état initial", souligne le nutritionniste.


Néanmoins, si un jeûne total n'est pas recommandé, de courtes cures, durant lesquelles on met de côté le sucre et les graisses saturées, par exemple, ne peuvent pas faire de mal, nuance Daniel Tomé. "En fait, c'est une manière de compenser le fait qu'on en mange trop, explique-t-il. Mais une personne qui a un bon comportement alimentaire n'a pas besoin de se restreindre."

Dans le contexte du mode de vie occidental marqué par l'abondance alimentaire et la sédentarisation, les bienfaits du jeûne peuvent en effet tout simplement s'expliquer par la perte de poids occasionnée – bienfaits de courte durée, donc. De manière générale, "le bénéfice du jeûne repose à l'origine sur des arguments scientifiques sérieux : des expériences sur des souris ont montré qu'une restriction énergétique de 30 % augmentait leur longévité", note Daniel Tomé.  

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Quant à la dimension psychique – notamment la sensation d'euphorie ou de légèreté décrite par les jeûneurs –, elle s'explique aussi par le processus que le corps traverse automatiquement quand on le prive de nourriture (voir ci-dessous). Bernard Schmitt, directeur du Centre d'enseignement et de recherche en nutrition humaine (CERN), explique ainsi qu'il produit des corps cétoniques, qui servent d'apport énergétique de secours. Mais l'acétone est par ailleurs un puissant stimulant du cerveau, aiguisant sa vigilance et ses capacités cognitives. "C'est aussi cette fonction qui est recherchée dans les jeûnes 'mystiques', entrepris comme voie possible d'accès à la transcendance", dit le chercheur.

Dans un contexte plus prosaïque, il est difficile d'écarter, dans les effets supposés du jeûne, une dimension psychologique, à savoir la volonté de prendre soin de soi, le sentiment d'accomplir un défi personnel, ou encore de s'offrir une pause dédiée à la santé et l'introspection. Le jeûne a ainsi valeur de point de départ pour réformer son hygiène de vie et ses habitudes alimentaires. L'intérêt devient en ce sens plus préventif, à plus long terme, que curatif.

Un impact qui fait écho aux origines de la médecine occidentale moderne, rappelle Bernard Schmitt. "Asclépios, le dieu grec de la médecine, avait deux filles : Panacée – qui représente le remède, le traitement de la maladie par le médicament –, et Hygie – qui symbolise l'hygiène et la médecine préventive. Du combat entre les deux, c'est Panacée qui est ressortie victorieuse, et le corps médical occidental en est l'héritier. Mais Hygie trouve de plus en plus d'écho dans le public... et le jeûne fait peut-être partie de cette démarche."


Le corps a la capacité de s'adapter à la pénurie de nourriture pendant une quarantaine de jours, en puisant dans ses réserves énergétiques. Pendant les premières quatre à six heures, il utilise le glucose et les nutriments ingérés, processus normal d'adaptation à la prise discontinue de nourriture. Puis survient l'étape de la glycogenèse : il puise dans ses réserves de glycogène dans le foie, afin de libérer rapidement du glucose.

Environ seize heures après le dernier repas, le glycogène hépatique est épuisé. L'organisme commence alors à puiser dans sa graisse (triglycérides). Au bout de deux à trois jours, sa production de corps cétoniques – seule source énergétique que le cerveau est capable de consommer en l'absence de glucose – s'accélère.

Lorsque les réserves lipidiques (graisses) sont épuisées, le corps commence à mobiliser soit ses acides aminés musculaires, soit ses protéines, qu'il puise jusque dans la trame osseuse, pour toujours maintenir un certain niveau énergétique et un minimum de fonction cérébrale. C'est la néoglycogenèse. Cette situation est toutefois fragile, et ne peut perdurer au-delà d'une quarantaine de jours, quand la disponibilité en acides aminés se tarit. La survie n'est alors plus possible.  
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