J'avais quatorze ans; en colonie de vacances dans le sud de la France nous avions, deux copains et moi, fait une véritable razzia de couleuvres vipérines dans un petit cours d'eau de montagne appelé "les Gorpes". Cinquante deux reptiles prélevés sur quelques centaines de mètres, un désastre écologique, un déséquilibre total sur cette petite portion de territoire. Tout cela pour une idée nulle de terrarium qui n'aboutit pas.
J'étais l'instigateur de ce piètre ouvrage. Une semaine suivante, je voulus, seul, de nouveau prélever des reptiles. Je n'en trouvai pas bien entendu. Je m'assis sur une pierre, le dos à la muraille rocheuse. J'étais là depuis quelques minutes quand je perçus un glissement discret mais très distinct, sur les feuilles sèches de chêne-liège. Je me retournai, et là, à quelques centimètres de ma nuque, se trouvait une énorme couleuvre: un mètre vingt, cinq centimètre de diamètre, un monstre superbe, grise tachetée de noir.
Je ne bougeai pas, pourtant l'adolescent que j'étais était profondément impressionné. Il émanait de ce fauve quelque chose de magnétique.
Ce n'étaient pas des mots, pourtant je l'entendis me sussurer: " Tu as causé de grands torts à mon peuple, cesse maintenant, il suffit".
Le peuple qui rampe avait délégué son champion.
Sympathie
Et puis je vais quand même raconter l'anecdote qui suit. Bien que n'ayant pas de rapport avec l'ésotérisme, elle en a un avec l'histoire précédente. Je pense qu'elle amusera.
J'avais donc ces cinquantes deux couleuvres dans un sac en caoutchouc étanche à l'eau; sac qui prenait une forme conique quand on en serrait le lien en haut. Les reptiles n'étaient pas très gros, allant de vingt, vingt cinq centimètres à cinquante, cinquante cinq.
La colo était mixte. Connaissant la curiosité naturelle des filles, je m'approchai d'un groupe assis sur la berge. Je posai mon sac et m'assis à côté d'elles. Je défis légèrement son cordon et commençai à en scruter l'intérieur avec attention. La question fusa sans trop attendre: "Qu'est-ce qu'il y a dans ton sac ?"
"Oh, rien, des trucs !" répondis-je. "Mais quoi ?"insista la fille. " Oh, des trucs qui font peur aux filles" "Mais, allez, dit nous" "Non, vous auriez peur" rétorquai-je. "On est pas comme ça" répliqua une autre "Allez montre nous".
Tous les visages étaient tendus vers moi. Avec un plaisir malicieux, je desserrai un peu plus le lien de mon sac et y plongeai la main. Je la ressorti avec une poignée de couleuvres grouillantes et gesticulantes que je fourrai sous le nez des filles. Vous imaginez la suite. Une véritable envolée de moineaux. Les filles se relevèrent en criant et partirent dans tous les sens.
J'étais plié de rire et content de moi. J'avais quatorze ans.
Sympathie à toutes