Aux environs de Losar 1998, j’avais avec moi un moulin à prières en argent qui
avait été commandé par Lama Pasang. Richard Gere était à Dharamsala à
l’époque et ne savait rien sur les moulins à prières « Mani ». Je lui expliquai donc
que j’avais trouvé un texte sur le sujet et lui parlai de l’importance et des bienfaits
des moulins à prières. Dans le passé, [quand j’étais] dans le Solo Khoumbou, je
ne croyais pas que le fait de faire tourner un moulin à prières pouvait devenir [une
pratique du] Dharma parce que le Dharma se rapporte à l’esprit. Mais tous les
anciens du Solo Khoumbou, y compris ma propre mère, avaient l’habitude de faire
tourner leurs moulins à prières pratiquement toute la journée, même quand ils
traversaient les montagnes à pied.
Et puis, j’ai découvert un texte qui avait appartenu au Lama de Lawoudo, dont il
est dit qu’il fut mon incarnation précédente et qui s’appelait Kunsang Yéshé. La
plupart des textes laissés dans la grotte très humide du Lama de Lawoudo étant
manuscrits, j’ai dû les mettre à sécher sur le toit pendant un petit moment.
Durant cette opération de séchage, un vieil écrit appelé Mani Koumboum (« Les
cent mille enseignements sur le Mani ») attira mon attention. J’y trouvai deux ou
trois lignes sur la lignée des moulins à prières. Nagarjouna la reçut du pays des
nagas, qui l’avaient eux-mêmes reçue de Tchènrézi. Nagarjouna transmit la lignée
à la Dakini au visage de lion et elle-même la transmit à Padmasambhava ; ce fut
ce dernier qui l’amena au Tibet. Toutes ces références suscitèrent ma foi.
Plus loin, le texte expliquait la visualisation dans laquelle des rayons de lumière de
différentes couleurs émanent du mantra OM MANI PADME HOUM et se répandent
dans les six royaumes du samsara, purifiant les êtres des cinq types de
perturbations et faisant naître les cinq types de sagesse dans leur esprit. Cela
aussi contribua à me donner foi dans la pratique du moulin à prières.
Après avoir raconté tout cela à Richard, sa réaction immédiate fut de me dire qu’il
était totalement convaincu et que lui aussi avait foi dans cette pratique. Si bien
que je lui fis cadeau de mon moulin à prières en argent. Plus tard, quand il se
rendit à Bombay pour lever des fonds pour les malades du SIDA, il emmena le
moulin à prières avec lui. De nombreux acteurs furent amenés à le rencontrer et,
comme il portait le moulin à prières avec lui, tous ces gens purent le toucher et
sentir son pouvoir.
Une actrice y fut tellement sensible qu’elle se mit à trembler.
De mon côté, je me mis à traduire les bienfaits des moulins à prières pour
Richard, en choisissant des citations extraites d’une compilation du VIIe Panchen
Lama, Tenpa’i Nyima, que j’avais reçue à Sydney de Kétchok Rinpoché, un lama
incarné du Monastère de Séra-Mé. Ce texte non seulement expose de manière
détaillée les bienfaits des moulins à prières, mais il explique également la manière
de les fabriquer. Les quelques citations de la fin proviennent d’un autre texte écrit
par un Lama Kagyou, qui se serait inspiré des explications de Karma Pakshi, le
Deuxième Karmapa.
Mon maître racine, Sa Sainteté Tridjang Rinpoché, fit construire le moulin à prières
de McLeod Ganj ; il est situé au beau milieu d’une foule de restaurants tibétains et
de marchands de légumes indiens. Le but était que tous, jeunes et vieux, puissent
le faire tourner et circumambuler afin de purifier leur karma négatif et d’accumuler
de vastes mérites et pour qu’ils puissent ainsi se libérer rapidement du samsara et
accéder à l’éveil.
Il fut également construit en mémoire de l’un des serviteurs de
Sa Sainteté Tridjang Rinpoché qui avait pris soin de Rinpoché et l’avait servi dès
son plus jeune âge. Ce serviteur était mort en Inde et donc, ce moulin à prières
fut aussi construit pour sa purification, afin qu’il puisse parcourir la voie jusqu’au
bout et accéder à l’éveil. Ceci fut la raison immédiate de la construction de ce
moulin à prières, mais bien sûr il était destiné à être bénéfique à tous également.
Quand Guéshé Rabtèn vivait à Dharamsala, il avait l’habitude de garder un grand
moulin à prières devant lui et il le faisait tourner en tirant sur une ficelle accrochée
au bas du moulin. Guéshé Rabtèn fut mon premier maître de philosophie dans le
camp de réfugiés de Bouxa. C’était un grand érudit de même qu’un yogi doté de
hautes réalisations.
C’est plutôt rare de voir des guéshés issus des trois grands
monastères de Séra, Gandèn ou Drépoung avec des moulins à prières ;
c’était donc toujours surprenant de voir Guéshé Rinpoché avec son moulin !
C’était peutêtre parce que son maître racine était Sa Sainteté Tridjang Rinpoché, et c’est
peut-être quand Sa Sainteté Tridjang Rinpoché fit construire le moulin à prières de
MacLeod Ganj que Guéshé Rabtèn prit conscience des grands bienfaits liés aux
moulins à prières.
Certaines maisons du Tibet ou du Solo Khoumbou possédaient de grands moulins
à prières ; il y en avait aussi des versions plus petites placées près de votre lit
pour que vous puissiez les faire tourner. Ils étaient souvent dotés de petites clochettes.
Dans l’Amdo, le monastère de Koumboum de Lama Tsongkhapa
posséde de nombreux moulins à prières, comme aussi le monastère de Tashi
Drang Khyil, dont tout le pourtour est ponctué de nombreux moulins à prières.
Tout autour du temple principal de Lhassa également se trouvent des rangées de
moulins à prières de petite taille.
Outre les textes qui enseignent les grands bienfaits des moulins à prières, il y a
aussi ma propre expérience. Il y a quelques années, quand Guéshé Lama
Kontchok était enseignant résidant à l’Institut Chenrezig en Australie où je m’étais
pourtant déjà rendu de nombreuses fois, le lieu me parut extrêmement serein,
paisible et très spécial. Je me dis alors que cela devait être dû au fait que Guéshé
Lama Kontchok avait réalisé bodhicitta. Mais plus tard, il me vint à l’esprit que
l’Institut Chenrezig possédait à présent un petit moulin à prières qu’avait fait
construire Guéshé Lama Kontchok et je réalisai que la paix qui y régnait devait en
fait venir de cela.
Après cela, je me rendis au Brésil. Là-bas, je rencontrai une dame que j’appelle
Amala. Pendant toute une année, elle avait travaillé pour le centre de Tarthang
Toulkou, à rouler des mantras et à travailler sur les objets sacrés et, pendant tout
ce temps, elle n’avait jamais pu rencontrer Tarthang Toulkou, ce qu’elle avait du
mal à accepter.
Elle me donna un livre écrit par l’un des étudiants ; ce livre explique que dans les
centres de Tarthang Toulkou les étudiants travaillent à la fabrication d’objets sacrés,
tels que les statues, les stoupas et les moulins à prières. Il dit aussi qu’avec la construction
d’un moulin à prières, le lieu où il est construit se transforme complètement, devient très paisible.
Le passage de ce livre fit grandir ma foi et confirma mon impression que l’Institut Chenrezig était
devenu si serein en raison de son moulin à prières.
Et donc, en plus de ce que disent les textes, ma propre expérience est aussi que
les moulins à prières rendent l’environnement paisible et bénissent tous les êtres
aux alentours, jusqu’aux insectes qui peuplent le sol, qu’il protège des
renaissances dans les royaumes inférieurs.