Pendant des années, les équipes africaines de football ont fait appel à la magie et aux sorciers pour obtenir de l'aide ou pour déstabiliser l'adversaire. Cette année, le rôle de ces magiciens sera encore plus important dans le cadre de la première Coupe du monde organisé sur le continent africain parce que leur magie ne fonctionne que sur le sol africain. A noter que même les équipes occidentales font également appel à la superstition et aux rites pour augmenter leurs chances de réussite.
La magie est une grosse affaire dans le football africain. Pour les événements importants, on fait souvent appel aux services d’un sorcier ou d’un conseiller spirituel qui utilisera la magie noire ou l’invocation des aïeux ou des dieux pour jeter un sort sur l’adversaire. Ce service se réalise généralement moyennant une forte somme d’argent. Ainsi des objets sont souvent enterrés sous la pelouse où le match va se jouer. Si un adversaire passe sur l’objet magique, il y perdrait son équilibre, sa puissance ou son contrôle du ballon.
Certains sorciers utilisent même le sang des animaux, des jus et des feuilles, ou scandant des phrases magiques lors d'un match. Au cas où l'adversaire gagne la rencontre malgré tout, cela signifiera qu’il a eu recours à des forces plus importantes que l’équipe perdante.
L’anthropologue Arnold Pannenborg a enquêté en 2008 sur le football africain et la superstition. Il a noté que la forme la plus forte de magie dans le football consiste à faire appel à Mami Wata, une divinité aquatique qui protège le goal et empêche les ballons d’y pénétrer. « Pour lutter contre cela, vous devez jeter une noix de coco sur le terrain", explique Pannenborg, « parce que c'est l'aliment préféré de Mami Wata ».
La fédération du football africain (CAF) estime que la magie noire dépeint une mauvaise image du sport et tente de contrer cette pratique. Ainsi, plusieurs équipes ont déjà été punies parce qu'elles utilisent une formule magique ou tente de contrer la magie. Des supporters de clubs camerounais doivent régulièrement faire face à des amendes parce qu'ils franchissent la clôture avec des objets magiques dans le but de les enterrer sur le terrain. Au cours de la Coupe d'Afrique des Nations en 2002, l'entraîneur des gardiens du Cameroun a même été arrêté au moment il aurait été en train d’installer selon la police une amulette sur le terrain.
Avec la Coupe du monde 2010, la FIFA se penche également sur la magie et les sorciers d’Afrique du Sud. On connaît peu sur la médecine traditionnelle africaine et sur les remèdes magiques confectionnés par des médecins locaux. La médecine traditionnelle africaine utilise de nombreuses plantes inconnues et la FIFA craint que les potions magiques des sorciers puissent tomber sur le coup de la législation antidopage européenne ou américaine ouvrant ainsi la voie à des litiges judiciaires.
Selon Mutoko Muteba, Président de l’association qui organise le Soulier d'Ebène, la magie est surtout devenue un divertissement dans le football africain. "Il y a quinze ans, les joueurs d’ici y croyaient encore mais maintenant c’est un pur divertissement », dit-il. La magie ne peut pas être interdite dans le football « parce qu'elle fait partie de la tradition africaine ».Muteba ne croit pas que les sorciers utilisent des produits illicites pour fabriquer leurs potions.
Ils se font appelés "sangoma" ou "nyanga" et pratiquent le "muti" à l'aide d'herbes folles et de bois sauvages. Le mystère est leur fond de commerce. Dans la culture sud-africaine, ils sont percus tantôt comme guérisseurs, tantôt comme sorciers. Gare aux mauvais sorts qu'ils peuvent jeter...Depuis le début de la Coupe du Monde, les sorciers des quatre coins du pays se sont trouvés une spécialité : prédire les scores des matchs de football. Sans vraiment beaucoup de succès.
Faraday Muti Market, en plein coeur de Johannesbourg. Dans ce vieux parking désaffecté se retrouvent la plupart des sangomas de la ville. On y vient faire son marché, y acheter quelques peaux de serpents et des poudres en tous genres. On peut aussi y parler foot.
Au premier stand rencontré, un sangoma s'agite devant la fumée d'une herbe sacrée. Les coquillages sont jetés, la France perd contre l'Afrique du Sud, cette après-midi. "Tu vois, cette perle que j'ai lancée, elle ne s'est pas renversée. Les Bafana gagneront." Le sorcier va plus loin. Il livre le score du match : 2 à 1 pour les Bafana, avec évidemment un but du héros national depuis le match d'inauguration, Siphiwe Tshabalala.
A une dizaine de mètres de là, même rituel, cette fois grâce à la lumière d'une bougie. Prières, incantations, la cérémonie dure une dizaine de minutes. La sentence tombe. La France gagne, et se qualifie même pour les 8èmes de finale de la Coupe du monde. "Je l'ai vu dans la flamme de la bougie", explique la sangoma, emmitouflée dans une couverture en laine, la tête ceinte d'une parure de perles. Deux prédictions différentes pour un seul et même match. Confrontés face-à-face, les sangomas se renvoient la balle...de football. "Le football est un sport, difficile à prédire. Si vous voulez vraiment être sûr du score de tout-à-l'heure, je peux vous faire une autre prédiction. Pour seulement 200 rands (20 euros)".