Le Guérisseur ANTOINE de Jemeppe sur Meuse aborde la question de la charité à de nombreuses reprises dans l'Enseignement Antoiniste. Notamment au chapitre "LA CHARITÉ BIEN COMPRISE":
" J'ai déjà dit que sans posséder un centime, on peut être ému à la vue d'un malheureux et ainsi faire la meilleure des charités; si l'on n'a rien donné, c'est qu'on est soi-même dépourvu. Le cas que vous me soumettez touche à la même question. Vous êtes empêché d'agir immédiatement; mais la pensée subsiste; si vous vous réjouissez de la mettre en pratique, elle vous donnera la même satisfaction. Mais nous tardons parfois faute de zèle, notre esprit se débat, un doute surgit et nous perdons de vue celui qui devait nous donner l'occasion d'exercer la charité. Avec le souvenir vient le remord; en vain pour réparer l'oubli, nous grossissons la somme et accordons peut-être le double de ce que nous aurions donné en premier lieu; n'usions-nous alors donné qu'un centime, nous faisions une plus grande charité, parce que la seconde pensée ne découle pas de l'amour mais du remords de ne pas avoir obéi à la première.
Cependant le remords ne provient pas de l'égoïsme, une personne charitable peut seule l'éprouver; voulant rester fidèle à sa conscience, elle ne cesse de penser à l'infortune qu'elle a vue; mais si les fluides ne se rencontrent pas, elle est parfois incapable d'assimiler le sien à celui de l'autre personne et ne peut plus être touchée; il s'établit alors un intervalle qui entrave sa volonté.
Il arrive aussi que l'on fait la charité par acquit de conscience; dans ce cas, mieux vaudrait s'en abstenir. La vraie charité accomplie aussitôt que nous en voyons la nécessité, nous procure nuit et jour un vrai bonheur.
Quoique charitables, nous pouvons encore ressentir du remords lorsqu'il nous semble avoir rendu de mauvais services en agissant à l'égard d'une personne où nous aurions dû nous abstenir; car nous n'avons pas la sensibilité nécessaire pour juger en connaissance de cause et nous sommes éprouvés.
Mais quoiqu'il arrive, il est grandement désirable d'avoir la pensée de la charité; cette vertu découle de l'amour, tâchons d'être toujours prêts à l'exercer, de comprendre que nous ne faisons jamais la charité qu'à nous-mêmes. Si nous y trouvons un bien, un bonheur, remercions donc la personne qui nous en donne l'occasion. Nous ne restons jamais un seul moment sans épreuves, le doute nous accable souvent parce que nous sommes trop sensibles aux imperfections des autres; alors que nous devrions plutôt les secourir, nos faiblesses cherchent à découvrir les leurs et nous perdons ainsi le feu sacré de l'amour. Efforçons-nous de ne pas voir en nos frères ce que nous voudrions cacher en nous."