Depuis environ trente ans, Patrick Guérin utilise ses connaissances ésotériques et magiques dans le cadre de ses livres et de ses consultations. En France et à l’étranger, il aide les gens qui le lui demandent à résoudre leurs problèmes par la voie de la tradition.
La magie est une passion qui lui vient de l'enfance, lorsqu’il s’est initié aux secrets des Anciens auprès de ses grands-parents, dans la campagne normande. C’est là qu’il a eu ses premiers contacts avec le monde magique.
À l'époque où il fut initié, les gens de la campagne étaient familiers de la sorcellerie et de la magie. Ils allaient volontiers consulter les guérisseurs et les rebouteux. Ils échangeaient leurs bonnes adresses. Ils pratiquaient même les cérémonies ancestrales de protection des cultures et des animaux, les rituels, d’appel à la pluie ou de désenvoûtement… C’est l’un de ces sorciers de village qui a choisi Patrick Guérin et l’a pris sous son aile. Il a ressenti, à sa manière, le potentiel qui existait en lui et a découvert qu’il avait une connaissance instinctive des lois qui unissent l’homme et la nature au niveau le plus subtil. Le premier, il lui a enseigné son savoir et montré comment procéder. Alors qu’il avait à peine 12 ans, Patrick Guérin, passionné par ce qu’il découvrait, s’est attaché à compléter cette tradition orale par la connaissance approfondie de la théorie. Depuis, il est connu pour avoir éclairé les textes d’un regard neuf, dans ses livres et dans sa pratique. Laissons-le raconter…
« Mes parents étaient boulanger-pâtissier dans la Région parisienne. Tous les commerçants ont une vie familiale plus compliquée que celle des autres gens, mais les artisans boulangers, c’est bien connu, ont des horaires particulièrement contraignants et mènent une vie décalée par rapport à celle de leur famille… J’ai été élevé dans une ambiance tout entière consacrée au travail et à la boutique, auprès de parents très absorbés par leur métier.
Sans doute avais-je un tempérament rêveur et introspectif dès l’origine, mais je vois aussi dans notre mode de vie l’une des raisons qui m’ont permis d’observer les choses et les gens avec un regard curieux et analytique. Je ne me sentais pas tout à fait comme les autres. Pourtant, ne croyez pas que j’étais un petit garçon triste et renfermé ! Comme tous les gamins de mon âge, je faisais mon lot de bêtises et je me mêlais volontiers aux jeux de mes camarades.
La découverte de la naturePetit enfant et jeune garçon, j’ai passé beaucoup de temps avec mes grands-parents, à la campagne. J’y ai fait la découverte du monde magique, encore très vivant dans certaines provinces.
Pour un petit citadin, j’ai eu la chance de faire connaissance avec la nature d’une façon tout à fait extraordinaire et qui m’a profondément marqué. C’est dans le petit village de Normandie où habitaient mes grands-parents, entre Falaise et Pont-d’Ouilly, que j’ai vécu mes premiers contacts avec la nature et les animaux. Mon grand-père nous a ouvert les yeux, à ma sœur et à moi, sur ce qui nous entourait. Il nous a montré les vers luisants qui s’“allument” à la nuit tombée, les lièvres qui courent pour se mettre à l’abri, les nids d’oiseaux cachés dans les haies, les insectes qui bruissent… Il nous a appris à écouter les bruits au lieu de les entendre, à différencier le sifflement doux du vent dans les feuilles, les pépiements des oiseaux, le grincement de certains insectes, le bruissement des petits animaux qui courent dans l’herbe… Je me suis rendu compte que la vie grouillait autour de moi, je me suis imaginé papillon sur une fleur ou taupe creusant la terre… Mon Grand-père aimait aussi se promener avec nous à la tombée du jour, au moment où les animaux diurnes vont se mettre à l’abri, tandis que les animaux nocturnes commencent à s’agiter. Nous avons ainsi découvert un univers encore plus fascinant, nos sensations se sont exacerbées par l’impression de mystère née de la nuit.
J’ai passé ainsi un temps fou dans la forêt et dans les champs, quelle que soit l’époque de l’année. J’ai toujours aimé la nature aussi bien en hiver qu’au printemps ou en été et, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai ressenti très intensément le passage des saisons et l’évolution du temps. D’ailleurs, nos grands-parents nous avaient appris les cycles de la nature : à quelle période les choses germent, poussent, se récoltent, meurent… Nous savions que le goût et la couleur du lait et du beurre changent avec les saisons selon ce que mangent les vaches, que les bébés animaux ne naissent pas n’importe quand, qu’on peut cueillir certains champignons mais surtout pas d’autres, que les abeilles piquent mais qu’elles sont utiles à la pollinisation… Toutes ces connaissances, les enfants citadins ne les possédaient déjà plus à cette époque. Quand je retournais en ville, j’avais fait une provision de sensations et d’images qui me permettaient de ne plus voir les choses du quotidien de la même façon.
Comme tous les enfants de notre âge, nous étions là-bas toute une bande qui jouait dans les prés et dans les bois, construisait des cabanes en bois et inventait des aventures dignes de Robinson Crusoë. Mais, pour moi, le plus grand plaisir était de construire un abri dans un arbre ou dans un sous-bois et de m’y cacher tout seul. Quand j’y repense, je m’aperçois que j’étais un enfant plutôt solitaire… Je n’avais pas le désir de fuir le monde des adultes et des autres enfants mais plutôt celui de créer un univers qui m’appartenait à moi seul et dont j’étais à la fois le créateur et l’acteur. Je me fabriquais ainsi quelques parenthèses dans la vie quotidienne qui me permettaient de me plonger dans la nature et d’en jouir de la façon qui me plaisait le mieux.
L’approche du merveilleuxTous mes souvenirs d’enfance sont très proches de la nature et des animaux. On a beaucoup parlé, depuis les années soixante-huit, de communion avec la nature… Le terme convient parfaitement à ce que je ressentais à cette époque et encore aujourd’hui : un besoin de parler aux plantes, aux arbres, aux animaux et la sensation intense qu’ils me répondaient.
La maison de mes grands-parents se dressait en bordure d’un chemin de campagne. Quand on s’y promenait la nuit, les ombres des arbres dessinaient des formes inquiétantes sur le sol. L’obscurité qui tombait transformait la silhouette des objets familiers. À ce moment-là, toute la vie diurne basculait dans une activité inquiétante qui n’était plus sous la domination des hommes mais sous celle des esprits de la nuit, des fantômes, des génies…
Mon grand-père nous entraînait vers des cahutes isolées dans lesquelles nous jouions sans crainte la journée, mais qui nous semblaient hantées quand l’obscurité tombait. Les paroles chuchotées par les autres enfants au sujet des mystères qui s’y étaient déroulés nous revenaient alors en mémoire, et nous étions persuadés de pénétrer dans un monde surnaturel. Grand-père nous faisait écouter les bruits de la nuit, si différents de ceux du jour. Tout cela créait une atmosphère de peur et de plaisir mêlés, et nous frissonnions de crainte sans oser le montrer, jusqu’au moment de nous cacher dans nos draps.
Je me souviens aussi que grand-mère ou grand-père nous emmenaient parfois, ma sœur et moi, nous promener au cimetière. Là, autour des tombes où des défunts venaient d’être enterrés, on voyait quelquefois des feux follets trembler entre les pierres. Je pense que mes grands-parents étaient conscients de nos peurs, mais qu’ils en jouaient gentiment et pensaient nous offrir des souvenirs inoubliables. Ce fut d’ailleurs le cas !
Toutes ces expériences ont entretenu l’amour du mystère et du merveilleux dans mon esprit de petit garçon, déjà très proche du climat de la magie.
L’initiation à la magieC’est en Normandie que mes rapports avec la magie sont devenus très intenses. À l’époque, les gens de la campagne allaient fréquemment voir des guérisseurs, des rebouteux, des magnétiseurs plutôt que le médecin, le vétérinaire ou le pharmacien qui habitaient parfois dans un autre village. On échangeait leurs adresses et on se racontait comment on avait vu passer le mal de dos du voisin ou l’entorse de la jument. On abordait tous les thèmes de la magie paysanne, encore très présente et très active : le mauvais œil, l’ensorcellement, les ondes négatives, mais aussi les prières qui guérissent et celles qui font les belles récoltes…
Je préférais mille fois rester à table avec les adultes plutôt que d’aller jouer avec ma sœur ou mes copains ! Dès que la conversation partait sur ces sujets, je me faisais oublier et j’écoutais passionnément. Je rentrais dans un monde qui m’était à la fois connu et mystérieux. J’avais la sensation d’être attiré vers ces sujets comme s’ils m’étaient familiers, mais en même temps, chaque nouvelle information était une découverte merveilleuse. Certains mots que les adultes répétaient à mi-voix résonnaient en moi comme si je les avais déjà prononcés moi-même. J’étais très attentif à ce qui se disait et tout semblait se classer naturellement dans mon esprit. Ces sensations m’ont attiré irrémédiablement vers la magie.
À chacune de mes grandes vacances, je retrouvais le même contexte. Mon grand-père était contremaître dans une usine textile des environs. Ma grand-mère s’était arrêtée de travailler assez jeune et elle avait beaucoup de temps pour s’occuper de ma sœur et de moi. Tous deux nous racontaient de vieilles histoires étranges et nous initiaient à la connaissance de la nature.
Un jour, mon grand-père qui avait un kyste graisseux m’emmena avec lui chez le guérisseur. En l’attendant dans la salle d’attente, j’observai une jolie volière dans laquelle certains oiseaux se tenaient complètement figés tandis que d’autres pépiaient et voletaient autour d’eux avec entrain. C’étaient de petits canaris et des perruches colorées qui faisaient un joli tableau. Le contraste entre les oiseaux agités et ceux qui avaient l’air pétrifiés me fascinait. Quand le praticien sortit de sa pièce pour raccompagner mon grand-père, il ouvrit la volière, fit quelques gestes et réveilla les oiseaux qu’il avait tout bonnement plongés dans une transe hypnotique légère. Il avait l’habitude de les endormir à tour de rôle pour faire à ses clients la démonstration de son pouvoir ! Et, en effet, enfant impressionnable de sept ou huit ans, je fus émerveillé par cette démonstration.
Pourtant, j’avais été le témoin de phénomènes extraordinaires : l’un de mes oncles – le frère de ma mère – savait “souffler” le feu. Lorsque quelqu’un s’était brûlé, il arrêtait la douleur et accélérait la cicatrisation en marmonnant les prières appropriées au-dessus de la brûlure et en soufflant sur elle. Il avait acquis une certaine notoriété grâce à ce don…
Je l’avais souvent vu faire et, à l’occasion, il me l’avait fait à moi aussi. Nous étions très proches l’un de l’autre et j’étais sûr qu’il me livrerait son secret lorsqu’il aurait décidé de transmettre son don. Malheureusement, il est mort assez jeune en emportant son “tour de main”. Il devait aussi maîtriser le don de divination car il avait prédit, lorsque j’étais tout petit, que je deviendrais quelqu’un de connu et qui passerait à la télévision ! L’exemple de cet oncle était pour moi comme une confirmation que la magie avait une réalité bien palpable.
Un curé de campagne
Les églises, les temples et les sanctuaires m’ont toujours attiré. J’y entre volontiers parce que je m’y sens bien. C’est un univers que je connais et dont j’ai gardé de bons souvenirs qui remontent à l’enfance.
Bien que toute ma scolarité se soit déroulée dans la banlieue parisienne, j’ai eu la chance de faire ma communion privée chez mes grands-parents. Ils avaient demandé au curé de leur village de m’enseigner le catéchisme pendant les grandes vacances et de célébrer ma communion avant la rentrée scolaire. C’était le vieux curé qui avait marié mes parents et mes grands-parents avant eux, un homme plein de bonhomie et de gentillesse, très proche des villageois et toujours prêt à se mêler de la vie de ses ouailles. Il était un des rares à posséder une voiture et ne ménageait pas sa peine, quand il le fallait, pour véhiculer les gens qui en avaient besoin.
C’est ainsi que je suis rentré dans le monde de la religion chrétienne et de la foi, raconté par un homme simple et sincère qui n’était jamais effleuré par le doute. Le fait d’être en tête-à-tête avec lui donnait encore plus d’importance à ses paroles. Je pouvais lui poser toutes les questions qui me venaient à l’esprit, sans m’inquiéter de ce qu’allaient penser mes camarades, plutôt moqueurs vis-à-vis de la religion. C’est une période dont je me souviens avec plaisir, et qui a creusé en moi un sillon profond et droit où ont germé toutes les aspirations spirituelles de ma jeunesse et de mon adolescence.
Tout ce qui a trait à la religion, à la spiritualité, à la prière, à la nature, s’est présenté à moi d’une façon très différente de celle qui échoit aux autres enfants. D’ailleurs, toute ma vie s’est déroulée de la même façon : j’ai toujours eu l’impression que les portes s’ouvraient devant moi au moment où il était utile que je progresse.